Je suis née à Paris par hasard, mais j’ai passé toute mon enfance jusqu’à 18 ans en Normandie, dans un petit hameau de l’Orne où la route s’arrête et se transforme en chemin. Adulte, j’ai vécu à Pantin, à Paris, à Saint-Denis, à Épinay-sur-Seine, et enfin à Créteil. Je ne me sens de nulle part, à la fois attachée à la nature en bonne campagnarde, autant que profondément citadine. Quand je suis arrivée dans cette ville, mes premiers points de rencontre ont été les épiceries-relais colis. Je me sentais étrangère et curieuse de connaître cette ville nouvelle pour moi et c’est celui que nous appellerons “P” par respect ( et comme la première lettre de son prénom), qui a commencé à m’intégrer à mon quartier avec ses checks et ses “ça va ?”. Je me suis alors sentie d’ici. Il faut dire que j’ai pas mal voyagé grâce aux fréquents incidents de livraison, qui m’ont menée de Limeil-Brévannes, dans un supermarché tentaculaire au milieu de nulle part, attendant le bus pendant plus d’une heure. J’ai aussi découvert une pauvreté que je ne savais pas aussi terrible, dans un quartier sensible où je me sentais outrageusement riche avec mon jean basket et angoissée à l’idée de me faire dépouiller. On m’a offert du pain et des makrouts dans une boulangerie-relais colis (ça m’a fait journée de joie !). J’ai aussi eu un grand moment de solitude dans une station service paumée, face aux boîtes à codes robotisées. Ces micros aventures dans ma banlieue m’ont fait faire un pas de côté et de découvrir mes voisins. Et l’humain dans tout ça, et bien c’est mon épicier dont la gentillesse et l’accueil m’ont touchée dès mon arrivée. Ce sont tous ces petits mômes qui vont chercher à l’épicerie leur capri sun, leurs bonbons ou leur granité aux fruits à la sortie de l’école qui me rappellent à cette vie de quartier. Étrangère, je me sentais dans cette ville et j’y suis devenue de plus en plus familière, hors des catégories préfabriquées et des étiquettes collées en plein milieu du visage. Car oui, nous sommes bien tous véritablement humains.
Et vous, de qui êtes-vous l’étranger.ère ? Voyagez vous encore en terre de micro-aventure près de chez vous ?
Je fais la transition entre mon billet d’humeur et l’exposition “Banlieues Chéries”, que je vous recommande chaleureusement, en vous déposant cette citation de l’artiste Émilie Garnaud pour son projet Aleteïa : “Nous sommes tous des humains, nous sommes des marcheurs, nous sommes des curieux, indéterminés et libres. Les cartes du ciel terrestre sont malpratiques et servent principalement à rêver et à se perdre. Elles proposent néanmoins des indices pour trouver ce que l’on ne cherche pas.”
Allez voir cette exposition à la fois historique, sociale et artistique !
L’image ci-dessous représente un mur où les visiteurs de l’expo ont été invités à décrire sur un papier fourni leur banlieue rêvée.
Du dessin à l’idée à sa réalisation …
Ce livre pour enfants m’a fascinée. Il est né de la rencontre entre une illustratrice, Marie Assénat qui rêvait de gâteaux fous qu’elle peignait, et de Rebecca Genet qui les réalisait en cuisine. Toutes deux amies ont eu la malicieuse idée d’imaginer des récits- poésie à partir des dessins et gâteaux photographiés. Les gâteaux ont chacun un style sorti de nulle part, comme une sorte d’œuvre d’art à manger. Tantôt humains, surréalistes, chics, fous… La fin du livre regroupe toutes les recettes que l’on peut réaliser, même si c’est coton... J’adore les livres jeunesse qui regorgent de couleurs, d’imagination et de liberté. Je conseille d’ailleurs à tous les parents de jeunes enfants, la lettre envoyée par mail chaque semaine par la Maison Georges (l’éditeur de ce livre) à destination des enfants (paper toys, recettes, activités variées…).
Voici le poème qui correspond au gâteau en bas à droite de l’image :
J’ai rêvé d’une forme surprenante/Une forme molle et nonchalante/Un grand truc qui balance des hanches/Pour qui tous les jours sont dimanche/Un nuage passé par un carnaval/Ou une créature avec de longs poils/Des algues folles sur une roche douce/Ou une œuvre d’art prise de secousses/Et en rêvant je me suis demandé/ Si cette haute formes aux ondes colorées/Était acide, croquante ou mousseuse/Car même endormie, j’ai l’âme audacieuse/Et à mon réveil, je ne veux pas de salades.
Je veux goûter cette Zinzinade !
Mais avant tout, cette grosse déconnade d’imaginer des gâteaux atypiques et de les réaliser m’évoque le parcours du dessin qui se cherche, qui s’affirme et devient une idée, -ou l’inverse-, l’idée qui se transforme en dessin, puis l’écart qu’il peut y avoir entre la conception et la réalisation, et le mode de reproductibilité de l’idée (la recette). Je crois en la réalisation de toutes nos petites idées, qu’elles soient gâteau ou poème, vêtement ou défi sportif !
Exercice créatif… Promenade micro-aventure !
Intention : Explorer son environnement avec un regard poétique et créatif.
Matériel : Carnet, stylo, appareil photo ou smartphone.
Durée : 30 minutes à 1 heure.
Consignes :
Partez en promenade dans un lieu familier ou inconnu.
Collectez au moins 3 objets naturels ou urbains (feuille, pierre, pub ou papier trouvé…).
Transformez ces objets en une petite œuvre d’art (ex. : un assemblage ou une composition). Vous pouvez aussi dessiner ou écrire avec ce que vous avez sous la main
Prenez une photo de votre création et écrivez un court texte ou une métaphore qui relie cette œuvre à une émotion ou un souvenir.
Partagez vos photos et textes sous forme de carnet ou sur la toile.
Questions de réflexion :
Qu’avez-vous découvert dans ce lieu que vous n’aviez jamais remarqué avant ?
Ces objets vous ont-ils inspiré de nouvelles idées ou émotions ?
Votre perception de votre environnement a-t-elle changé grâce à cet exercice ?
L’image ci-dessus est une œuvre de l’artiste Mirjam Pet-Jacob qui récupère toutes sortes d’objets “que l’on a tendance à jeter : des allumettes usagées, un marque-page laissé dans un livre de bibliothèque, l’étiquette d’une bouteille de vin, de vieilles listes de courses, des trombones, des tickets de cinéma, des pièces trouvées par terre... Tout ce qui enflamme mon imagination. Parfois, il me suffit de vider mon sac à main”.
Vous donner envie de lire… Clarice Lispector, Le seul moyen de vivre.
En cet été caniculaire, j’ai changé à de nombreuses reprises le livre que j’allais vous présenter. Cela neme semblait pas assez coller avec l’air du temps et le ton de cette newsletter… trop politique, trop sérieux, pas dedans…. Et puis j’ai retrouvé par hasard des notes partielles du livre de Clarice Lispector, femme de diplomate qui a beaucoup voyagé, toujours en transit, loin de ses proches, exilée. Et cela a enfin fait écho à l’actualité que nous vivons tous, cloîtrés dans le noir, chez nous, dans une sorte d’enfermement contraint, inquiets de nos enfants ou de de nos aînés. Comme Clarice Lispector, chacun est plus ou moins contraint à sa difficulté à vivre, dépendant de sa sensibilité et en lien avec ses proches et lointains. Je vous livre donc quelques citations de ce livre épistolaire, que j’aime énormément parce qu’il me touche au plus profond de mon être. L’oeuvre de Clarice Lispector est intemporelle, elle traverse les années sans aucune ride. Juste la fragilité mêlée à la force pour vivre ce qu’on peut.
“Je suis si incertaine, j’avais envie de faire un paquet de moi, avec du papier de soie et une faveur, et de te l’envoyer, tu veux bien ?”
“Ordres à exécuter sans prescription médicale a) s’informer à la faculté au sujet de l’examen de droit civil ; b)avoir tout au plus une conversation sérieuse par semaine avec ton collègue intelligent et perturbateur ; c) croire que nous sommes dans le meilleur des mondes possibles d) être heureux”.
“M’est tombé en plein sous la main Madame Bovary, que j’ai relu. J’ai profité de la scène de la mort pour pleurer toutes les douleurs que j’ai eues et que je n’ai pas eues.”
“Lucio, comment vas-tu ? Réponds, si tu réponds, de façon claire à cette question.”
“C’est vraiment étrange d’écrire une lettre de si loin, c’est comme si on se sentait obligé de dire des choses formidables. mais non, rien n’est formidable, à moins que tout le soit, qui sait ?”
“Il pleut et il fait froid. il est 10h du matin, jeudi. Ma chambre est indépendante des autres et j’y fais du désordre à ma guise. Ma chambre donne sur la mer. La méditerranée est bleue, bleue.”
Je vous laisse avec ce ton aiguisé, factuel mais tellement sensible. À dans quinze jours !
Merci pour cette magnifique lettre qui m'a replongé dans le souvenir nostalgique de ma banlieue campagne et de mes excursions à Paris pour aller au musée d'Orsay, qui m'a rappelé pourquoi cuisiner me paraît impossible et m'a donné l'envie de lire ce livre d'une autrice dont je n'avais jamais entendu parler. Et peut-être même tester l'exercice qui m'inspire déjà des images à réaliser avec Midjourney 🙂
Merci Céline, je suis tellement contente que ma lettre fasse écho chez toi et te ramène à ta propre histoire tout en impulsant des envies! Je veux voir tes créations mid Journey quand ce sera d'actualité! 🤗