Est-ce que vous doutez ? De mon côté, je crois bien que je douterai tant que je serai en vie. C’est à la fois inconfortable comme un vase qui est posé au bord de la sellette et qui déstabilise l’œil qui le voit déjà tomber.
Pourtant, le vase est bien en place. Le doute est là, on ne peut le nier mais diffus comme l’encre dans l’eau qui se propage et se dilate on ne sait pas jusqu’où. Car il semble que le doute n’ait pas de limites, juste un voile d’insistance qui revient toquer régulièrement à la porte des pensées et des sentiments mêlés. Comme une chanson lancinante. Un refrain bien connu dont on a oublié les paroles mais dont on connait l’air par cœur.
Parfois, je doute même que j’existe, que ce qui se passe est réel. À d’autres moments, ce sont mes compétences ou la qualité de mon travail que je remet en doute. Ou encore, je me demande si j’ai bien fermé la porte à clé alors que j’étais dans mes pensées.
Ce qui est sûr, c’est que le doute m’est intime, comme un vieux copain qu’on aime mais qui nous fatigue un peu. Je doute donc je suis. J’avance tant que je doute. Je cherche, en quête, grâce au doute. Bref, j’existe grâce au doute. Il est le revers de la médaille de l’idéal de la réalité. Le masque qu’il faut savoir enlever., parfois.
Racontez-moi vos doutes !
La veille du ciel, aquarelles météorologiques d’André des Gachons (1871-1951)
J’ai découvert ces aquarelles par hasard… Elle m’ont rappelé une ouverture d’ateliers d’artistes à Montreuil. C’était une fille d’une cinquantaine d’années qui vendait les peintures de son père décédé. Ce dernier avait tous les jours fait une petite peinture (elles étaient brillantes comme si c’était de la cire) au gré de son humeur, du temps qu’il faisait ce jour-là, de la lumière. C’était magnifique. Il aurait fallu acheter la collection, très grande, sinon, ça n’aurait rien voulu dire. L’ensemble m’avait énormément touchée. Je me souviens de la déception de sa fille qui aurait voulu que j’achète une œuvre, sinon deux, mais je n’avais pas pu détruire la collection, qui avait toute sa place dans un musée. Je n’avais pas non plus osé prendre de photos, mon souvenir est malgré tout resté bien vif et d’émotions.
En ce qui concerne les aquarelles météorologiques d’André des Gachons, elles me touchent aussi absolument.
J’aime cet homme qui a illustré les ciels au fil des jours en illustrateur symboliste, en même temps qu’il a voulu documenter la science en météorologue amateur. Chaque jour, André des Gachons faisait parvenir ses bulletins illustrés au bureau central météorologique ; il a cherché sa vie durant une méthode pour prédire le temps du lendemain en notant la forme des nuages et la couleur du ciel.
Il n’y a rien à dire, c’est juste simple et beau. J’aimerais, comme ces deux artistes, peindre ma météo du jour, mes états d’âme, à l’aune du quotidien, comme un média entre le monde et moi. Je pense aussi aux carnets du peintre Bonnard, qui se laissait inspirer par une note courte du jour qui l’amenait à peindre, par exemple : “ciel dégagé”.
Un exercice pratique pour cultiver la créativité
Voir la vie autrement
Choisissez une couleur.
Avec l’appareil photo de votre téléphone, faites le reportage de cette couleur pendant une semaine. C’est une sorte de portrait chromatique de votre quotidien
Intention : révéler la richesse visuelle de nos routines
Matériel : smartphone / carnet
Durée : 1 journée, 1 semaine, 1 mois
Prenez un maximum de photos d’objets, de végétaux, d’animaux, de packaging, de matières, de vêtements....
Compilez en une « planche » visuelle
Réflexion : Comment ce filtre coloré modifie-t-il votre regard ?
Vous donner envie de lire…
PATRICE JEAN, la vie des spectres
ROSE VIDAL, Drama doll, roman sans histoire
Ces deux livres n’ont rien à voir, mais ils parlent tous les deux de leur époque, c’est pour cela que m’est venue l’idée de les présenter l’un avec l’autre. La vie des spectre explore le cheminement d’un homme un peu anti-héros, qui est dépassé par son époque, pour le meilleur et pour le pire. La réflexion menée sur ce qui est réactionnaire ou progressiste donne à penser, et pas forcément ce que l’on croit. Le livre est aussi une longue médiation (c’est un pavé) métaphysiquo-poétique également.
Drama doll explore quant à lui une époque sans douleur, vous noterez la référence au tramadol, médicament contre les fortes douleurs. L’autrice, de la génération Z a conçu le livre comme un cheminement intime, littéraire et de réflexions avec des clins d’œil à Montaigne, autour d’une typographie inclusive (créée entièrement par l’autrice), d’images imprimées, et de captures d’écrans de SMS et bien sûr de texte. Le livre, un peu expérimental mais agréable à lire, m’a touchée par son actualité mais aussi en plein cœur, questionnée aussi sur le monde, la mort, l’écriture, les liens. On y croise plusieurs histoires qui se mêlent ou pas.
N’étant ni de la génération de Patrice Jean ni de Rose Vidal, puisqu’entre eux-deux, je m’interroge sur ces récits actuels de notre monde vus par deux générations différentes, un monde qui bouge, un monde qui change, un monde insaisissable.
Voici quelques citations de Patrice Jean :
«Peut-être que l’on meurt du grand âge faute d’un geste qui vous surprenne ou d’une parole inattendue ? »
«J’ignore si la vie a un sens, mais la mienne n’en a pas. Si je n’étais pas né, le monde n’aurait pas été différent.»
«Chaque matin, nous reprenons notre personnage, abandonné la veille sur le dos de la chaise, avec un pantalon, une chemise, un pull. Et avec notre personnage, ce sont nos anxiétés, nos craintes, nos espoirs, qui, tout défroissés par la nuit, reviennent nous hanter jusqu’au coucher.»
«La vie est sans deuxième chance, on ne peut pas effacer, ni raturer. La vie manque de style, c’est pourquoi l’art existe, pour que la forme proteste contre le débraillé de nos existences confuses, ai-je pensé.»
«Il me parut, alors, que tout était clair. J’avais fait mon temps, et ce temps ne voulait plus de moi.»
Voici quelques citations de Rose Vidal :
(la mise en page graphique et l’écriture inclusive n’ont pu être transcrites dans ces citations)
“amour, n. m. : peut mieux faire”
L’autrice enquête sur la représentation de la douleur dans l’art, auprès de son entourage. On notera les références suivantes (relevé partiel) : Gina Pane/Michel Journiac/Matthew Barney/Bas Jan Ader/le retable d’Issenheim/les musiques volontairement dissonantes/ The illusion of life. Disney animation/Abramovic….
“(…) tu dois le savoir aussi que ce n’est peut-être pas si niais de croire que cette personne a changé quelque chose à ton monde ; et qu’elle structure ton rapport à lui.”
'“On a sans doute des trucs à apprendre de cellezéceux qui nous ont précédé.es, mais pas forcément plus que nous avons à leur apprendre.”
“On dit souvent que la mort emporte celleux qu’on aime, jamais qu’en revanche les morte.s emportent des bouts de nos vies.”
“Ne pas leur en vouloir
N̶e̶ ̶p̶a̶s̶ ̶l̶e̶u̶r̶ ̶e̶n̶ ̶v̶o̶u̶l̶o̶i̶r̶”
“(j’ai pensé, mais je crois de plus en plus qu’il n’y a d’histoires que d’amour)”
(…) “il faut accepter aussi que certaines réalités sont absolument contre-intuitives, et se garder de croire savoir avant de savoir vraiment”
Que nous réserve l’avenir ? Tout est une question de point de vue..
Hâte d’avoir vos ressentis !
Merci pour l’idée de l’exercice. Je vais m’y atteler cet été à l’océan et nourrir mes journaux créatifs
J'ai comme l'ombre d'un doute, mais si ce fantôme m'accompagne aussi !